Peut-on déshériter un enfant ?

La rédaction de Skarlett
5 février 2024
9 minutes de lecture

Croyez-le ou non, mais il est assez courant que des parents cherchent à déshériter un ou plusieurs de leurs enfants. Chez Skarlett, c’est même une question fréquemment posée à nos conseillers : comment déshériter légalement mes enfants ? Si la question peut susciter quelques malaises, il faut parfois y répondre et trouver les mots justes pour expliquer ce qui est possible… et ce qui ne l’est pas ! On fait le tour de la question dans cet article.

Deux personnes en vélo sur la côte amalfitaine

Que dit la loi française ?

En France, c’est le Code civil qui encadre la succession (articles 720 à 892).

S’il n’y a pas de testament, la loi fixe un ordre successoral qui est le même pour tous. Il est établi en fonction du degré de parenté. En revanche, il est possible d’organiser sa succession en amont en rédigeant un testament.

Attention cependant : à partir du moment où vous avez des enfants, votre testament doit respecter le principe de réserve héréditaire.

Comprendre les notions de quotité disponible et de réserve héréditaire

Le Code civil français est assez clair sur ce point : déshériter un enfant est une mission quasi impossible. Pourquoi ? À cause de deux principes fondamentaux et complémentaires : la quotité disponible et la réserve héréditaire.

La réserve héréditaire est la part d'héritage que la loi réserve obligatoirement aux descendants directs, c'est-à-dire vos enfants. Elle ne peut pas être contournée par la rédaction d’un testament, car celui-ci serait invalidé !

La réserve héréditaire est obligatoirement répartie à parts égales entre vos enfants : par exemple, si vous avez deux enfants, vous ne pouvez pas décider de léguer l’intégralité de la réserve héréditaire à un seul d’entre eux.

La quotité disponible, quant à elle, est la part de votre patrimoine que vous êtes libre de léguer à qui bon vous semble, à travers un testament par exemple.

En d’autres termes, la quotité disponible dépend du nombre d’héritiers, car elle est calculée en fonction de la réserve héréditaire.

À quelle part de votre patrimoine correspond la réserve héréditaire en fonction du nombre d’enfants ?

Comme nous venons de le dire, la réserve héréditaire dépend du nombre d’héritiers ; de son côté, la quotité disponible dépend de la réserve héréditaire. Pour faire simple :

  • Si vous avez un enfant, la réserve héréditaire correspond à la moitié de votre patrimoine ; la quotité disponible correspond à l’autre moitié de votre patrimoine.
  • Si vous avez deux enfants, la réserve héréditaire correspond à deux tiers de votre patrimoine ; la quotité disponible correspond au tiers restant.
  • Si vous avez trois enfants ou plus, la réserve héréditaire correspond aux trois quarts de votre patrimoine ; la quotité disponible correspond au dernier quart.

Le cas particulier du conjoint survivant

Si vous êtes marié au moment de votre décès, votre conjoint survivant fait également partie de vos héritiers. Mais la part qui lui est réservée dépend de votre situation :

  • Vous avez des enfants qui sont tous issus de ce mariage : votre conjoint pourra choisir entre l’usufruit sur l’ensemble de votre succession (usufruit du conjoint survivant) ou le quart de la pleine propriété (les 3/4 suivants pour vos enfants)
  • Vous avez au moins un enfant issu d’un autre lit : votre conjoint survivant n’aura pas le choix entre usufruit et quart de la pleine propriété et héritera obligatoirement du quart de votre patrimoine, laissant les 3/4 restants aux enfants.
  • Vous n’avez jamais eu d’enfant : vos parents vivants héritent chacun d’un quart de votre patrimoine, et votre époux de la moitié restante. Si un seul de vos parents est en vie, il ne récupère qu’un quart de votre patrimoine, et votre conjoint hérite des 3/4. Si vos deux parents sont décédés avant vous, votre conjoint récupère la pleine propriété de votre succession.

Bon à savoir :

Si l’un ou plusieurs de vos enfants sont décédés avant vous, ce sont leurs enfants qui héritent de la part qui était réservée à leur parent. C’est ce qu’on appelle la règle de la représentation.

Bref, vous l’avez compris : a priori, la loi française ne permet pas de déshériter un enfant par voie testamentaire, car une partie de votre patrimoine est réservée à vos enfants.

Cela étant, la quotité disponible vous permet de favoriser un enfant par rapport aux autres !

Comment avantager un enfant par rapport à un autre ?

Techniquement, il est possible d’avantager un descendant par rapport à un autre. Mais seulement dans la limite de la quotité disponible ! Si vous souhaitez transmettre un bien particulier à l'un de vos enfants ou lui léguer une plus grande part de votre patrimoine, cela doit se faire sans empiéter sur la part réservée aux autres.

Vous devrez donc rédiger un testament dans lequel vous léguez la quotité disponible à l’enfant que vous voulez privilégier. Dans ce cas, il touchera sa part de la réserve héréditaire, ainsi que tout ou partie de la quotité disponible.

Comment bien rédiger son testament pour transmettre la quotité disponible ?

Vous l’avez compris, pour transmettre la quotité disponible à la personne de votre choix, vous devez rédiger un testament. En l’absence de testament, la loi prévoir de répartir l’intégralité de vos possessions selon l’ordre successoral prévu par le Code civil.

Pour rédiger un testament, vous avez deux options :

  • Le rédiger seul (testament olographe). Votre testament doit être intégralement rédigé à la main, daté précisément et signé. Vous pouvez le conserver vous-même ou le confier à un notaire.
  • Faire établir votre testament par un notaire (testament authentique). Vous devrez le dicter à votre notaire en présence de deux témoins, puis vous et vos témoins devrez le signer. C’est le notaire qui conserve le document.

Même si ce n’est pas obligatoire, il est conseillé de faire appel à un notaire, qui pourra vous conseiller sur les aspects légaux et s’assurera que vos volontés soient respectées au moment venu.

Le cas particulier des enfants indignes

La loi prévoit des situations où un enfant peut être privé de sa part d'héritage, notamment en cas de comportements jugés indignes, comme une tentative de meurtre sur la personne du testateur. Mais ces situations restent extrêmement rares. Et heureusement !

Peut-on déshériter les héritiers qui ne sont pas héritiers réservataires ?

Concernant les héritiers non réservataires, comme les parents ou frères et sœurs, la loi offre une plus grande marge de manœuvre. Vous pouvez choisir de ne pas leur léguer de biens, tant que cela est clairement établi dans votre testament.

Est-il possible de contourner la réserve héréditaire pour que mes enfants ne puissent pas hériter de toutes mes possessions ?

Bien que la loi interdise de déshériter ses enfants par voie testamentaire, certains décident de prendre des chemins de traverse pour déshériter un enfant, ou pour favoriser une personne lors de leur succession.

S’expatrier pour profiter des lois d’un autre pays sur l’héritage

Certains choisissent l'expatriation pour bénéficier d'un régime successoral plus flexible. En effet, si vous résidez dans un autre pays, ce sont les lois de ce pays qui s’appliquent.

Cependant, cette solution radicale nécessite une réflexion approfondie et une bonne connaissance des lois de succession du pays d'accueil. Et c’est sans parler des autres paramètres à prendre en compte lorsqu’on décide de changer de pays : coût de la vie sur place, nouvelle langue à apprendre et culture différente, accès aux soins médicaux parfois plus compliqué…

Souscrire une assurance-vie

L'une des stratégies les plus courantes est la souscription à une assurance-vie. Les sommes versées à un bénéficiaire désigné dans le cadre d'une assurance-vie ne font pas partie de la succession : on dit qu’elles sont “hors succession”.

En d’autres termes, tout ce qui est placé sur une assurance-vie échappe à la réserve héréditaire. Il suffit alors de nommer les ou les bénéficiaire(s) de votre choix, qui hériteront de votre assurance-vie sans avoir à se soucier de la réserve héréditaire.

S’appauvrir volontairement

Bien que moins courante, la stratégie de l'appauvrissement volontaire, par exemple en utilisant son capital pour se payer des vacances prolongées au soleil ou des restaurants luxueux, permet de réduire l'assiette de l'héritage. Attention toutefois aux abus ! Vous devez garder de l’argent pour vivre. C’est une solution vraiment jusqu'au-boutiste qui pourrait se retourner contre vous.

Vendre son bien en viager ou en nue-propriété

Les ventes en viager ou en nue-propriété permettent de vendre son patrimoine immobilier tout en continuant à vivre dedans. En ayant recours à ce type de vente, vous sortez de facto votre appartement ou votre maison de votre succession, puisque vous les avez vendus !

C’est également une très bonne manière de profiter de la vie, puisque vous bénéficiez d’un bouquet et de rentes (dans le cas d’un viager) ou d’un capital disponible immédiatement (dans le cas d’un démembrement temporaire ou d’une vente en nue propriété).

Une manière astucieuse de profiter de votre vivant tout en modulant l'héritage !

Vous voulez en savoir plus sur le viager et l’héritage ?

Bon à savoir

Vous pouvez combiner la vente en viager ou en nue-propriété avec d’autres astuces, comme le placement sur une assurance-vie ou l’appauvrissement volontaire. En effet, vous pouvez vendre votre patrimoine immobilier et placer l’argent de la vente sur une assurance-vie… ou tout dépenser !

N’oublions pas que la vente en viager n’est pas seulement une astuce permettant de déshériter ses descendants : dans la majorité des cas, elle sert surtout à améliorer son niveau de vie et même à transmettre son patrimoine de son vivant en donnant à coup de pouce à ses enfants et petits enfants !

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